Dans ses mots: pourquoi je n’aurai jamais d’enfant, par Julie Bélanger
On demande souvent, sans y penser, «Pourquoi?» à celles qui n’ont pas d’enfants. Comme si l’on assumait que toutes les femmes devraient être mères. L’animatrice Julie Bélanger a décidé de parler à cœur ouvert de ce sujet encore tabou et mal compris. On a tellement aimé son texte, paru sur juliebelanger.com, qu’on le reproduit ici. Et on attend vos commentaires!
texte julie bélanger photo Andréanne Gauthier
C’est gros comme statement hein? Ça fesse, je sais. Je pense même que c’est la première fois que je me l’admets à moi-même, que je l’accepte, en fait. Parce que c’est laid comme phrase, parce qu’on est loin du politically correct. Et que je sais à quel point y’a encore beaucoup de jugement face aux femmes qui, comme moi, ne seront jamais mères. Comme si on était des êtres louches, des bibittes assoiffées de pouvoir ou des femmes handicapées du cœur… et de l’utérus.
Bref, des «pas normales».
Comprenez-moi bien, je ne me suis jamais fait dire ce genre de choses, à part 2-3 fois sur les réseaux sociaux. Je les ai surtout senties. Dans un regard, un commentaire qui se veut pourtant gentil («C’est pour quand les beaux bébés?»), mais qui démontre clairement que ce n’est pas normal que je n’en aie pas encore. Que je ne pourrai jamais comprendre: «L’extraoooordinaire amour d’une mère envers son enfant» parce que j’en ai pas, justement. (Mais on s’entend que c’est pas parce que je n’ai pas d’enfant que je n’ai pas l’intelligence de la tête et du cœur pour comprendre.)
Plus jeune, je ne voulais pas garder les enfants des voisins. Alors que plusieurs passaient leurs week-ends à veiller sur les petits des autres, moi, je préférais lire un livre dans ma chambre d’ado, écouter la télé ou de la musique, plutôt que de passer mon vendredi à gardienner. 2$ de l’heure, je trouvais que ça frôlait l’exploitation. J’aimais mieux m’en passer et garder ma liberté. Faut croire que je n’ai pas beaucoup changé.
Je les trouve souvent cutes, vos enfants, attachants, mignons (certains plus que d’autres, ça va souvent avec les parents). J’ai même étudié un an en enseignement préscolaire-primaire avant de me réorienter en communications. Ça démontre quelque chose ça, non? Je ne suis pas un monstre antipathique aux enfants, mais je n’ai tout simplement jamais ressenti le désir viscéral et profond d’en avoir un. Comme si, parce que ma vie m’a toujours satisfaite, je n’avais juste pas eu de place supplémentaire à combler… En fait, pour être totalement honnête, ça m’est arrivé quelques fois de vouloir un bébé pour vrai. Entre autres après avoir passé des vacances avec ma nièce Emma-la-Magnifique, (la plus belle petite fille au monde, dis-je en tant que tante totalement subjective et assumée!), j’ai pleuré. J’ai eu le vertige de réaliser que ces moments si doux et si beaux n’allaient jamais faire partie de mon quotidien. Ça m’a bouleversée… Puis, je me suis ressaisie. Même chose quand j’ai tenté de concevoir, à coup de tests ovulatoires, pensant que cette fois c’était la bonne, surveillant un gonflement de sein, une nausée… Déçue, à chaque fois.
«Vous pourriez aller en fertilité? Parfois c’est juste un conduit qui est bloqué, c’est ce qui est arrivé à ma belle-sœur et maintenant elle en a quatre!», «Tu serais une si bonne maman!», «L’adoption! Avez-vous pensé à l’adoption?» Et bla, bla, bla. Je les ai tous entendus, les commentaires, les questions, les conseils. Ben oui, évidemment qu’on a pensé à tout ça. Qu’en vieillissant, un moment donné, tu réalises que les ovaires ont une date de fin de production, que t’approches de la fermeture définitive de l’usine, que tu passes sans doute à côté de quelque chose d’extraordinaire. Mais, même si je me morfondais, même si je passais mon temps à me questionner, à pleurer chaque mois, qu’est-ce que ça changerait? Je ne tombe pas enceinte, ça s’arrête là. Comme si mon corps avait eu le dernier mot. Je laisse aller la vie depuis 8-9 ans maintenant… puis rien. Niet. Pouet.
Alors, un jour, tu te regardes dans le miroir, tu vois les rides, la peau moins ferme. Tu constates que t’es bien dans ta vie, que t’as de beaux projets avec ton amoureux, des rêves de voyages, de travail, que t’as de bons amis, une famille aimante et tu acceptes que la maternité, ce n’est pas pour toi. Que personne ne t’appellera jamais «Maman», que tu acceptes pour la première fois la phrase: «Je n’aurai pas d’enfant.» Même si c’est laid, même si c’est pas politically correct. Et tu te dis que la vie sera belle et douce et lumineuse… juste autrement. Pis que c’est ben correct de même. La vie fait bien les choses. Moi, j’y crois.
– Julie
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