Une conversation avec Madame Gin
La mission d’Emmanuelle Ricard, la passionnée derrière le blogue madamegin.com, est de nous faire découvrir les gins du Québec (et autres produits de distillation!), qui connaissent un succès phénoménal. .
Propos recueillis par MJ Desmarais Photos Emmanuelle Ricard
Le parcours de Madame Gin
J’ai toujours aimé les produits du terroir, le savoir-faire, les belles choses. Après avoir travaillé en joaillerie et en mode, j’ai lancé ma collection de bijoux et un blogue sur mes coups de cœur, mes découvertes. Et puis j’ai publié un article sur le gin, une de mes passions, qui est vite devenu le billet le plus populaire du site. J’ai donc décidé de faire découvrir les produits exceptionnels des distilleries de chez nous.
Pourquoi les Québécois se lancent dans la fabrication du gin artisanal
Pour plusieurs raisons. Parce que c’est un produit qui fait partie de nos traditions – dans les partys de famille, tout le monde se souhaitait joyeux Noël ou bonne année avec une haleine de gin. Parce que l’engouement pour la mixologie y est sûrement pour quelque chose. Et parce que les règles entourant la production de gin sont très souples, contrairement au scotch ou au whisky, où les ingrédients, les origines et les méthodes de production sont contrôlés de près. Il faut attendre des années avant de mettre un produit sur le marché, et le retour sur investissement n’est pas rapide!
En fait, le gin n’est défini, de façon subjective, que par sa saveur: il doit goûter le genièvre, c’est tout, et on a la liberté d’y incorporer toutes sortes d’ingrédients aromatiques. C’est ce qui est vraiment intéressant. Quand on se lance dans la fabrication de gin, le cheminement est identitaire: on peut tout inventer, ici, avec des produits locaux, et créer quelque chose qui nous ressemble.
L’histoire d’amour entre les femmes et le gin
Les Québécoises ont toujours aimé – et aiment de plus en plus – le gin. C’est un alcool délicat aux arômes floraux et botaniques, qui se prête bien à la fabrication de cocktails, et nous apprécions particulièrement son côté léger, vivifiant, rafraîchissant. Il faut dire que les alcools n’offrent pas tous la même ivresse. Attention, on parle de l’effet après un verre, pas quatre! Avec le champagne, c’est rapide et spontané. La bière nous emplit et nous nourrit, le vin nous donne le vertige, le whisky est cérébral et propice à la réflexion au coin du feu. Quant au gin, il détend. C’est reconnu depuis longtemps: dans les Pays-Bas, d’où il est originaire (oui, avant l’Angleterre), on le considérait comme un remède en raison des vertus médicinales du genièvre.
La féminisation de la distillation
Les femmes se lancent de plus en plus dans la fabrication de spiritueux, du gin en particulier. De l’Écosse à l’Orégon en passant par le Québec, elles sont en train de prendre d’assaut ce qui était, il n’y a pas si longtemps, un boy’s club. En fait, elles créent certaines des compositions aromatiques les plus complexes sur le marché. Pour faire du gin, ça prend de l’instinct, de la créativité et un esprit scientifique, et les femmes n’en manquent pas! Une des pionnières est Diane Roy, qui, après une carrière en imprimerie, a lancé l’idée de démarrer une distillerie avec sa famille, au Nouveau-Brunswick, puis à Saint-Arsène, dans le Bas-Saint-Laurent. Elle a fondé Les Fils du Roy avec ses fils Sébastien et Jonathan, puis a formé sa belle-fille, Hélène Dumont, qui est aujourd’hui distillatrice. Mais attention: c’est maman qui approuve encore tous les produits! D’autres distillatrices remarquables: Amélie-Kim Bouliane et Geneviève Blais, de La Société secrète, à Cap-d’Espoir, en Gaspésie; Caroline Doyle et Fanny Desmeules, de la distillerie Puyjalon, à Havre-Saint-Pierre, sur la Côte-Nord; Isabelle Audet, du Domaine Lafrance, à Saint-Joseph-du-Lac; et enfin, Isabelle Rochette, de Distilleries Cirka, à Montréal. Chapeau!
L’art de boire du gin
J’aime bien déguster un bon gin nature, sur glace. Ça peut sembler «raide», mais je ne bois pas beaucoup! J’aime aussi le gin avec un bon tonic, mais il faut faire le bon match! J’aime le tonic 1642, fait au Québec, qui est vraiment exceptionnel, et aussi le Fever Tree, une très bonne marque anglaise. Quant aux tonics industriels, ils sont beaucoup trop sucrés, l’idée étant de compenser l’amertume de la quinine. Je donne régulièrement des ateliers, où je fais des gin tonics avec des herbes fraîches, des fruits, des oranges déshydratées, qui sont aussi bons que beaux.
Il ne faut pas boire du gin ou en faire la dégustation le ventre vide. Les Espagnols, qui sont les plus grands buveurs de gin tonic de la planète (et les troisièmes plus grands producteurs de gin), accompagnent leur cocktail préféré de tapas. Sur place, on sert le gin tonic dans de gros verres ballons, on le garnit d’herbes, d’aromates et de fruits. C’est beau, c’est bon!
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Des gins à essayer
Gin Bleu Royal, de Blue Pearl Distilery Très apprécié des mixologues pour ses notes florales. C’est la fleur de pois papillon qui lui donne sa couleur aussi spectaculaire que naturelle. La belle surprise? Ce gin passe du bleu au fuchsia dès qu’on le mixe avec du tonic. Cela dit, il est très bon sur glace!
Gin Thuya, distillerie Fils du Roy Cet excellent gin se distingue par un arôme boréal de cèdre. Vif comme nos hivers, c’est un must à essayer avec du saumon fumé. La distillerie Fils du Roy produit aussi les gins Le Rocher Malin (vif, un peu salin, parfumé de livèche, bourrache et aneth) et le #Saint-Jean, dispo seulement en distillerie (un gin floral, avec des notes vertes de basilic, thym et mélisse).
Gin St. Laurent On connaît la jolie bouteille, qui recèle un excellent gin évoquant la pinède, concocté à Rimouski avec des aromates des quatre coins du monde – et des algues laminaires locales (aussi appelées baudriers de Neptune), récoltées à la main dans le fleuve salé.
Gin Les Herbes folles, distillerie La Société Secrète Un gin qui porte bien son nom : la base d’orge et de blé malté est infusée des arômes d’une dizaines d’herbes sauvages cueillies à la main sur le territoire gaspésien.
Gin Betchwan, distillerie Puyjalon Élaboré avec des aromates provenant de la Côte-Nord et de la Minganie, le premier gin de la région porte le nom d’un village de la Côte-Nord maintenant disparu, où a vécu un naturaliste français, le comte Henry de Puyjalon. Notes salées, florales et fruitées.
Dandy Gin, Domaine LAfrance La famille Lafrance exploite des vergers depuis 1925. Pas étonnant que ce produit unique soit issu de la distillation d’eau-de-vie de pommes, raisins et poires, et qu’il soit en plus aromatisé à la fleur de pommier! Le résultat est frais, souple et franc.
Gin Menaud Cette distillerie fabrique ses spiritueux «du grain jusqu’au goulot». Établie à Charlevoix, l’entreprise artisanale propose un gin distillé à partir d’une base de blé et de seigle de L’Isle-aux-Coudres et parfumé avec des composantes botaniques locales, comme la salicorne, qui lui donne un caractère particulier. Quand j’ai goûté à leur gin, qui est tellement différent, j’ai compris ce que c’est que l’alcool de mon terroir. Ça goûte mes forêts, mes champs, mon bord de fleuve, ça goûte chez nous. Leur vodka est aussi excellente!
Gin Sauvage, distillerie Cirka C’est le père de tous les gins, un grand classique élaboré sur place de A à Z avec une distillation de céréales de maïs. Il est parfumé avec 30 aromates extraits du terroir québécois, qui rappellent notre héritage forestier. Un incontournable. Cirka produit aussi le Gin 375, étonnamment velouté.
Gin Wabasso Un beau nom, qui signifie «lapin blanc comme neige» en langue ojibwée. Ce gin a pris le nom d’une grande filature qui était établie à Trois-Rivières, où il est produit. Il renferme moins de genièvre que d’autres gins et se distingue par des arômes de thé des bois et de trèfle rose, qui lui donnent un caractère à la fois champêtre et forestier.
Et aussi…
Un groupe FB Les filles aussi aiment le gin, c’est un rassemblement de femmes de tous âges qui aiment vraiment les spiritueux. Pas mal de gars se sont ralliés!
Un endroit pour déguster le gin Le Pourvoyeur, qui a une succursale à Ahuntsic et une autre près du marché Jean-Talon, où on déguste une belle sélection de gins d’ici, et où on peut grignoter ou prendre un repas complet.
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