Pourquoi on aime les champagnes de vignerons

Il y a deux mondes en Champagne: d’un côté, celui des mégamarques chapeautées par des consortiums de luxe qui dominent le marché mondial à grand renfort de publicité (et qui industrialisent souvent leur production pour répondre à la demande); de l’autre, celui des petits producteurs et des maisons familiales qui travaillent le vin de façon artisanale dans le respect de leur terroir et qui nous offrent du même coup un rapport qualité-prix exceptionnel. Devinez lesquels on préfère.
Par la gang d’Oenopole



Petite histoire du champagne
Le champagne tel qu’on le connaît, avec l’effervescence qui le caractérise, est le fruit d’un heureux hasard. La production de ce vin à l’origine tranquille, le plus souvent fait de pinot noir ou de chardonnay, remonte à l’époque des Romains. Pendant des lustres, on a apprécié le champagne pour sa finesse, sa légèreté, son acidité, mais pas pour ses bulles! Adopté par les rois de France, il coulait à flots lors des couronnements, qui prenaient place à Reims, au cœur de la Champagne, dès le 10e siècle. Au 16e siècle, ce sont les nobles et riches marchands anglais qui sont tombés sous son charme. Un marché au potentiel immense pour les producteurs. Mais il y avait un problème: chaque printemps, le vin fermentait à nouveau.

Pendant les mois d’hiver, les températures froides stoppaient momentanément le processus de fermentation du vin dans les celliers. Les levures dormantes, réveillées au printemps par le retour du beau temps, recommençaient alors à fermenter, ce qui entraînait la production de gaz carbonique et augmentait par le fait même la pression interne dans les bouteilles scellées. Résultat: des bouchons qui sautent, de sérieux dégâts à la cave et une effervescence – considérée comme un défaut à l’époque! – dans les bouteilles intactes. En fait, jusqu’à la fin du 17e siècle, les moines qui s’occupaient du vin, notamment Dom Pérignon, un bénédictin, ont cherché par quel moyen se débarrasser des bulles.

Marques et marketing
De l’autre côté de la Manche, les Anglais prenant de plus en plus goût à ce vin au charme pétillant, les producteurs champenois ont commencé à provoquer la production de bulles, sans trop savoir comment contrôler la pression interne et rendre leurs bouteilles plus résistantes, obstacles qui n’ont été surmontés qu’au 19e siècle par des maisons comme Krug, Bollinger et Pommery, notamment avec l’utilisation de bouteilles solides et de nouvelles techniques de bouchage, ainsi que la régulation de la teneur en sucre et l’utilisation des levures – toute cette évolution s’étalant sur plusieurs décennies.

Au fil du temps, le champagne s’est vite positionné comme un produit de luxe, et des producteurs se sont mis à dépenser sans compter, à grands coups de branding, de campagnes publicitaires et d’événements mondains, pour créer la demande partout sur la planète. Cet objectif accompli, une pression a été exercée sur le rendement des vignes et le recours aux fertilisants, aux engrais chimiques et aux fongicides est devenu chose courante. En gagnant de la popularité, le champagne a, globalement, perdu au chapitre de la qualité. Les grands oubliés dans cette histoire? Les consommateurs qui se soucient de ce qu’ils boivent.

Place aux vignerons
Après des dizaines d’années de commercialisation sans relâche des vins de la Champagne, notamment par des conglomérats de l’industrie du luxe qui se sont portés acquéreurs de multiples marques, certains vignerons, inquiets des effets sur l’environnement, la vigne et le produit, ont manifesté leur désir de revenir à des vins vrais. Parmi ceux-ci, le pionnier Anselme Selosse, du domaine qui porte son nom. Son point de vue, simple, mais révolutionnaire quand il l’a formulé dans les années 1970: pour produire un champagne «profond», il faut commencer avec un fruit de grande qualité – une leçon apprise en étudiant auprès des producteurs de Bourgogne. Dès qu’il a pris les rênes du domaine de son père, en 1980, le viticulteur visionnaire a mis ce principe en pratique en réduisant la pression sur le rendement des vignes, en pratiquant une culture biologique et en travaillant dans le respect du terroir. Les produits chimiques ont tout de suite pris le bord!

Considéré au départ comme un cas quasi hérétique en Champagne, Anselme Selosse a défié les conventions en n’utilisant que des levures indigènes pour la fermentation et en minimisant l’utilisation des sulfites. Devenant au fil des ans une véritable référence mondiale en matière de culture biologique du vin, il a inspiré toute une génération de jeunes champenois à revenir à la vigne et à la travailler de façon naturelle pour mettre en valeur le potentiel de leur terroir.

Un mouvement qui profite largement aux véritables amateurs de champagne, ceux qui se soucient plus de ce qu’ils boivent que du supposé prestige de la marque. Parce que les producteurs de la nouvelle vague ont investi dans leur vin plutôt que dans la publicité, le rapport qualité-prix de leur champagne de vigneron est nettement supérieur à celui des grandes marques. La bonne nouvelle? La SAQ en a pris bonne note et nous en offre un très bon choix!

 

Champagne Chartogne-Taillet, Cuvée Sainte Anne, 53,25$

Champagne Pascal Doquet, Horizon Blanc de Blancs, 58,25$

Champagne Pierre Gerbais, Grains de Celles, 52,50$

Champagnes de vignerons: des noms à retenir!
Jacques Lassaigne
Pascal Doquet
Lahèrte Frères
Larmande-Bernier
Bérêche et Fils
Chartogne-Taillet
Pierre Gerbais
Francis Boulard
Fleury
Frederic Savart
Villemart
Cedric Bouchard
Jacques Selosse
La Closerie
Ulysse Collin
Pierre Gimonnet
Tarlant

________________________________________

Pour suivre Oenopole
Instagram: oenopole

________________________________________

Partager:

Commentaires